ce sont 4 siècles d’une histoire d’hommes et de passion !
Cet héritage est toujours présent, il s’illustre chez les artisans chocolatiers historiques (Cazenave 1854, Daranatz 1890, Pariés 1895), mais aussi chez de plus récentes (Atelier du chocolat, Pascal, Monsieur Txokola, …) par une grande variété de chocolat chaud à boire à la tasse, bonbons de chocolat, tablettes et de nombreuses autres spécialités qui feront craquer les gourmands!
Mais l’histoire commence il y a plus de 400 ans lorsque le chocolat est arrivé à Bayonne dans les “malles” des juifs portugais!
L’Histoire avant l’histoire…
Le “Nouveau monde”, berceau du chocolat On retrouve la présence de fèves de Cacao ou de chocolat dans la mythologie Aztèques et Mayas. Dans la civilisation précolombienne (Civilisation Aztèque et Maya) les fèves de cacao sont souvent utilisées comme monnaie d’échange. Le Chocolat (xocolatl) est un produit de luxe, utilisée à des fins thérapeutiques ou lors de certains rituels religieux. Le Chocolat est consommé sous forme de boisson très amère aromatisée de piment, de vanille, et d’autres épices.
La légende raconte que les colons espagnols ne découvrirent l’intérêt de cette boisson que lorsque les religieuses d’Oaxaca l’adaptèrent au goût “européen” en l’adoucissant avec du miel, du sucre de canne, et en l’aromatisant avec du musc, de l’eau de fleur d’oranger…
Il est communément attribué au célèbre conquistador Hernán Cortés d’avoir été le premier (en 1528) à rapporter le breuvage chocolaté à la cour d’Espagne. Dés lors, le chocolat envahit l’Europe au gré des alliances aristocratiques ou commerciales. L’infante Marie Thérèse d’Espagne en épousant à St Jean de Luz (1660) Louis XIV introduisit le chocolat à la Cour de France…
Bayonne Port de commerce “international” A cette époque, Bayonne est déjà, et ce depuis le moyen âge, un port maritime et fluvial réputé.
Au 17 et 18 éme siècle, en s’appuyant sur l’atout majeur que représente son port -“un port fameux et de grand trafic”-Bayonne s’affirme comme une place d’échanges régionaux et internationaux, une ville de “grand commerce” véritable plaque tournante entre le sud et le nord de l’Europe.
De nombreux produits transitaient par Bayonne comme le bois de construction maritime; les produits de la terre ou de la mer, morues, graisses de baleine, draps, laine, blé, épices, tabac, sucre de cannes et le cacao pour approvisionner le marché local ou réexporter vers d’autres pays d’Europe…Cette intense négoce favorisa l’implantation de l’artisanat chocolatier dans la ville.
“La nation Portugaise” Après plusieurs siècles d’une histoire tumultueuse, et sous l’impulsion des Rois Catholiques Isabelle de Castille, Ferdinand d’Aragon et de l’Inquisition, les juifs Sépharades sont expulsés d’Espagne par le “décret de l’Alhambra” du 31 juillet 1492.
Fac-similé du décret de l’Alhambra « … Nous avons décidé d’ordonner à tous les juifs, hommes et femmes, de quitter nos royaumes et de ne jamais y retourner … à la date du 31 juillet 1492 et ne plus rentrer sous peine de mort et de confiscation de leurs biens… »
La première destination des Juifs d’Espagne est le Portugal qui ouvre alors ses portes. Mais, dès 1496, les souverains espagnols forcent leur voisin portugais à expulser à son tour les Juifs du Portugal, qui seront connus dans toute l’Europe comme “Juifs portugais”, qu’ils viennent du Portugal ou d’Espagne à travers le Portugal. Certains émigrent vers les pays du pourtour méditerranéen, Italie, Afrique du Nord, l’Empire Ottoman ou vers la Hollande Luthérienne, d’autres trouvent refuge à Bayonne plus proche et où on y comprend l’Espagnol… Au 16éme siècle, diplomatiquement appelé “La nation portugaise”, la communauté juive s’installe dans le quartier St Esprit, hors des murs de la ville de Bayonne. Parmi cette diaspora figurent des négociants, commerçants en contact avec de nombreux comptoirs de commerces de l’Amérique du sud, et d’Espagne qui maitrisent les clefs de l’approvisionnement en fèves de cacao. Mais on compte aussi, des initiés aux “sciences apothicaires” liées aux vertus médicinales du cacao, appelés “faiseur de chocolat”…ces artisans apportèrent à Bayonne les secrets et techniques de fabrication du chocolat.
Les fèves de cacao sont grillées sur une plaque de tôle en remuant délicatement les fèves avec une spatule (bientôt remplacée par une boule, pivotant autour d’un axe et percée de trous, placé au dessus des braises) puis refroidies puis délicatement brisées, avant qu’on ne retire la peau grain par grain.
Sur un “métate”, pierre en forme de petit berceau, préalablement chauffée sur un lit de braise et à l’aide d’un rouleau (pierre ou métal), le cacao est longuement travaillé jusqu’à obtenir une pâte homogène.
Pour finir son breuvage “divin” à la texture un peu épaisse mais veloutée, le “faiseur de chocolat” enrichit sa recette secrète de sucre et différents parfums cannelle, muscade, vanille, girofle…
A cette époque, les juifs “portugais” n’avaient le droit de venir travailler en ville qu’au lever du jour et devaient quitter Bayonne “intra muros” pour retraverser le pont St Esprit à la tombée de la nuit.
Les “Faiseurs de chocolat” se déplaçaient pour fabriquer le chocolat chez les épiciers Bayonnais qui le revendaient ensuite dans leurs échoppes. Ces maîtres chocolatiers se rendaient également à domicile pour préparer le chocolat directement chez les clients de la bourgeoisie bayonnaise.
Le chocolat étant alors un produit de luxe, coûteux, réservé à une élite, et marqueur social de la “bonne société”. Chaque chocolatier dépositaire des techniques de fabrication, gardait précieusement son savoir-faire et sa recette. Pourtant, avec le temps, les juifs de St-Esprit enseignèrent leurs savoir-faire à des apprentis Chrétiens…
Dès le 18éme siècle, le chocolat joue un rôle important dans l’économie bayonnaise, et des rivalités commerciales entre communautés apparaissent.
En 1725, la publication de l’ordonnance des Échevins de Bayonne interdit aux Juifs habitant à Saint-Esprit de fabriquer et de vendre au détail du chocolat dans la ville de Bayonne. Cette même année, Abraham d’Andrade est condamné pour avoir loué un appartement rue Orbe, afin d’y fabriquer du chocolat.
En 1761, afin d’asseoir leur monopole et d’empêcher les Juifs d’exercer cette profession à Bayonne, les maîtres chocolatiers bayonnais créent une corporation. Les statuts précisent, entre autres: -“Que quiconque n’avait pas été reçu “maître” de cette nouvelle communauté, ne pouvait tenir boutique, ni ouvroir pour faire du chocolat dans aucun lieu de la ville et de la juridiction, sous peine de confiscations de leurs outils et cent livres d’amende “. -“L’aspirant à la maîtrise, après trois ans d’apprentissage, devra faire un chef d’œuvre, apporter son certificat d’apprentissage, un certificat de bonnes vies et mœurs et une attestation de son appartenance à la religion catholique apostolique et romaine, dûment légalisée par le curé de sa paroisse”…Les intentions étaient claires et la “messe” était dite !
L’affaire fit grand bruit et suite aux plaintes de différents marchands de la communauté juive de St Esprit, appuyé par l’influent Duc de Gramont (pour la petite histoire, Il semblerait que le duc de Gramont était propriétaire de nombreux biens loués par les juifs de St Esprit…), la suppression de cette corporation par le Parlement de Bordeaux est obtenue en 1767. Fin de ce triste chapitre !
Tout d’abord réservé à une élite sociale et aux cadeaux de prestige pour les personnalités importantes de passage à Bayonne, le chocolat est peu à peu adopté par l’ensemble de la société Bayonnaise et de la région.
C’est en 1670 que le mot “chocolat” apparaît pour la première fois “officiellement” dans les archives de la ville de Bayonne. Signe que le chocolat est déjà un produit de luxe, le “corps” de la ville offre 12kg de chocolat à des “personnes de considération” de passage à Bayonne.
En 1680, sur ordre de Louis XIV, le Maréchal Vauban vient parfaire les fortifications et édifier une citadelle sur les hauteurs de la ville, reçu avec les honneurs, 16 livres de chocolat lui sont offertes.
La duchesse de Berry séjourna à Bayonne du 22 au 26 juillet 1828. Durand son séjour, son fils âgé de huit ans tomba gravement malade. Le docteur Joseph Ducasse, médecin en chef de l’hôpital militaire de Bayonne, administra au jeune duc de Bordeaux, du chocolat chaud préparé par un artisan de confiance. Le futur comte Henri de Chambord fut revigoré très rapidement grâce au chocolat de Bayonne.
Au fil du temps, de véritables dynasties de chocolatiers apparurent. Le chocolat de Bayonne devient “bonbon”, pâtisserie ou glace, se démocratise et s’exporte vers la France entière et même l’Europe. Bayonne s’affirme comme la ville du chocolat tant par la qualité du produit que par le nombre de chocolatiers.
Et dès 1825, le chocolat de Bayonne est récompensé par divers brevets et médailles qui consacrent une qualité unanimement reconnue. A cette époque, la fabrication du chocolat s’est déjà diffusé dans de nombreuses villes du Pays basque : Biarritz, Cambo, Charritte-de-Bas, Espelette, Hasparren, La Bastide-Clairence, Saint-Etienne-de-Baïgorry, Saint-Jean-Pied-de-Port, Saint-Palais et Ustaritz.
En 1854, on compte 32 fabricants de chocolat à Bayonne.
Lors de la grande exposition franco-espagnole organisée à Bayonne en 1864, le chocolat de Bayonne est mis à l’honneur à l’occasion d’un concours de dégustation.
Au XXe siècle, la fabrication industrielle « détrône » Bayonne. En 1945, 15 entreprises demeurent encore, générant presque 250 emplois.
De nos jours, même si elle n’occupe plus une place aussi importante qu’au siècle dernier, la fabrication du chocolat reste une activité importante portée par les maisons historiques, Cazenave (1854) Daranatz (1890), Pariés (1895), et de plus récentes, mais tout aussi valeureuse comme l’Atelier du Chocolat, Chocolat Pascal, Monsieur Txokola…
Plus de 400 ans d’histoire lient notre cité au chocolat et en ce sens, Bayonne mérite depuis 4 siècles le titre de « première ville chocolatière » de France.